L’injonction au sport dans la communication des organisations jihadistes

por Pierre-Alain Clément
Palavras chave:
doctrine entrainement guides jihadisme magazines sport jihadism training
Les organisations jihadistes incitent-elles leurs partisans à pratiquer du sport ? Cette affirmation répandue mérite l’intérêt, quand plusieurs mécanismes théoriques et constats empiriques expliquent et montrent une pratique sportive fréquente par des acteurs violents. Cet article examine, quantitativement et qualitativement, un corpus de magazines et de guides produit par des organisations jihadistes actives, majoritairement en anglais (5 600 pages). Le corpus contient très peu d’injonctions au sport, bien plus d’injonctions à l’entraînement, physique mais surtout spirituel. Il insiste sur l’importance de dissimuler avec le plus grand soin ses convictions et projets, faisant du musulman ostentatoire, voire simplement visible, un « mauvais élève » de ces manuels. Le corpus s’adresse aux convaincus, prodiguant conseils pour s’aguerrir, mais n’évoquent pas de stratégie d’entrisme, de recrutement ou d’emprise sur des collectifs non convaincus. En outre, le corpus ne peut s’appuyer que sur un étroit socle théologique, qui promeut peu le sport et l’assortit de nombreuses restrictions. Enfin, l’activisme en ligne encourage la propagation de contenu facile à créer et diffuser, les efforts physiques réels étant esthétisés plus qu’encouragés. Il est donc crucial de dépasser le littéralisme des sources doctrinales pour examiner la manière concrète dont les acteurs violents s’emparent ou non du sport. Do jihadi organisations encourage their partisans to practise sport? This common assertion is worthy of inquiry while several theoretical mechanisms and empirical findings explain and show how violent actors frequently do sports. This article examines, quantitatively and qualitatively, a corpus of magazines and guides produced by active jihadi organisations, mostly in English (5,600 pages). The corpus reveals very few occurrences of instructions to do sport, contrarily to instructions to train, first spiritually then physically. It insists on the importance to hide with the utmost care one’s convictions and projects, turning the ostensible, or even just visible, Muslim into the “bad student” of these manuals. The corpus addresses the convinced, dispensing advice to toughen up, but does not mention any strategy of entryism in, recruitment in or ascendency over unconvinced groups of people. Furthermore, the corpus can only rely on thin theological grounds, which scarcely promote sport and add many restrictions to this activity. Finally, online activism encourages the propagation of easy to create and spread contents, real-world physical exercise being estheticized rather than encouraged. Thus, it is crucial to go beyond the literalism of doctrinal sources to examine the concrete ways in which violent actors engage, or not, with sport.

Les organisations jihadistes incitent-elles leurs partisans à pratiquer du sport ? Cette affirmation répandue mérite l’intérêt, quand plusieurs mécanismes théoriques et constats empiriques expliquent et montrent une pratique sportive fréquente par des acteurs violents. Cet article examine, quantitativement et qualitativement, un corpus de magazines et de guides produit par des organisations jihadistes actives, majoritairement en anglais (5 600 pages). Le corpus contient très peu d’injonctions au sport, bien plus d’injonctions à l’entraînement, physique mais surtout spirituel. Il insiste sur l’importance de dissimuler avec le plus grand soin ses convictions et projets, faisant du musulman ostentatoire, voire simplement visible, un « mauvais élève » de ces manuels. Le corpus s’adresse aux convaincus, prodiguant conseils pour s’aguerrir, mais n’évoquent pas de stratégie d’entrisme, de recrutement ou d’emprise sur des collectifs non convaincus. En outre, le corpus ne peut s’appuyer que sur un étroit socle théologique, qui promeut peu le sport et l’assortit de nombreuses restrictions. Enfin, l’activisme en ligne encourage la propagation de contenu facile à créer et diffuser, les efforts physiques réels étant esthétisés plus qu’encouragés. Il est donc crucial de dépasser le littéralisme des sources doctrinales pour examiner la manière concrète dont les acteurs violents s’emparent ou non du sport.
Do jihadi organisations encourage their partisans to practise sport? This common assertion is worthy of inquiry while several theoretical mechanisms and empirical findings explain and show how violent actors frequently do sports. This article examines, quantitatively and qualitatively, a corpus of magazines and guides produced by active jihadi organisations, mostly in English (5,600 pages). The corpus reveals very few occurrences of instructions to do sport, contrarily to instructions to train, first spiritually then physically. It insists on the importance to hide with the utmost care one’s convictions and projects, turning the ostensible, or even just visible, Muslim into the “bad student” of these manuals. The corpus addresses the convinced, dispensing advice to toughen up, but does not mention any strategy of entryism in, recruitment in or ascendency over unconvinced groups of people. Furthermore, the corpus can only rely on thin theological grounds, which scarcely promote sport and add many restrictions to this activity. Finally, online activism encourages the propagation of easy to create and spread contents, real-world physical exercise being estheticized rather than encouraged. Thus, it is crucial to go beyond the literalism of doctrinal sources to examine the concrete ways in which violent actors engage, or not, with sport.